"La faute au climat interne, détestable. Mais surtout à des «salaires de misère»: salarié depuis 15 ans, Franck Delbarre touche «1.072 euros net par mois». Tous les autres gagnent aux alentours du Smic. Cette année, la direction avait proposé 1% de hausse. Inacceptable: «Les collègues disent qu'ils n'y arrivent plus. Tout augmente mais les salaires ne bougent pas.»
Les premiers mois de l'année sont traditionnellement tendus dans les entreprises, lancement des négociations annuelles sur les salaires (les “NAO”) oblige. Sauf qu'avec la crise, nombre de salariés, d'abord focalisés sur l'emploi, avaient mis en 2009 et en 2010 leurs revendications salariales en sourdine, alors même que la progression des salaires a été historiquement faible l'an dernier. En ce début d'année, le changement de ton est perceptible. «Indiscutablement, il y a de la conflictualité, et elle se porte en majorité sur les salaires», explique Jean Bessière, directeur adjoint de la Direction générale du travail (DGT). «On n'avait pas vu autant de conflits salariaux depuis plusieurs années», note Mohamed Oussedik, secrétaire confédéral de la CGT.
Souvent, le scénario se répète: la direction propose entre 1 et 2%, quand les salariés ou leurs représentants demandent au moins le double. «Dans un contexte de sortie de crise, les attentes sont fortes, à la mesure des efforts salariaux consentis depuis deux ans, admet Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH). Les résultats médiatisés de certains grands groupes créent aussi un certain nombre d'attentes.» Un cocktail auquel se rajoute la hausse des tarifs de l'électricité, du gaz et de l'essence, l'augmentation constante des dépenses de logement, la décélération sensible du pouvoir d'achat, l'absence depuis 5 ans de revalorisation du Smic au-delà de l'inflation... «La pression autour des salaires va s'accentuer tout au long de l'année, surtout si l'emploi s'améliore un peu», prédit Pierre Ferracci, PDG du groupe de conseil aux comités d'entreprise Alpha. «Pendant la crise, une grande distanciation est apparue entre le management et les salariés, estime Olivier Labarre, directeur général du cabinet de conseil BPI. Quand vous avez le sentiment de ne pas être entendus, c'est logiquement la question des salaires qui revient. Pour les prochains mois, c'est une situation potentiellement
(...)
Les grands groupes, où la capacité de mobilisation est plus forte, et le dialogue social institutionnalisé, ont bien évidemment connu des mouvements (Alcatel, Thalès, DCNS, Decaux, Keolis, etc.). Mais les revendications sont aussi très fortes dans des secteurs d'habitude moins revendicatifs, comme la distribution – Carrefour, But, Ikea, Camaïeu,Système U, Intermarché, ou encore le bâtiment: les salariés d'Eiffage Construction réclament par exemple 3% de hausse, notamment sur le chantier du Grand Stade de Lille.
«Ces secteurs cumulent flexibilité, précarité et importance du temps partiel, surtout féminin, dans la distribution, note Jean-Michel Denis, sociologue à l'Université de Marne-la-Vallée. Quand ils se mobilisent, c'est incontestablement le signe de tensions.» «C'est très tendu en ce moment,confirme Christophe Le Comte, secrétaire général adjoint du commerce de la fédération FO employés et cadres. Les salariés ont des exigences, ils sont fermes et déterminés. Mais les employeurs aussi: bien souvent, ils arrivent à la table de discussion avec des propositions d'augmentation faibles, de moins de 2%, sans aucune marge de négociations.»
Un peu partout en France, des conflits parfois longs pour les salaires fleurissent, dans des entreprises qui, longtemps, n'ont pas fait parlé d'elles.
Chez Ferrero, à Rouen, la production de la pâte à tartiner Nutella était stoppée mardi et mercredi
Si vous voulez recevoir l'article en totalité, envoyez-nous un mail.