Avant de donner des détails sur ces éléments biographiques concernant "Jean Bernard", nous devons ici, d'abord, UNE NOUVELLE FOIS, expliquer les bonnes raisons qui justifient que sur notre blog de section syndicale, nous parlions de l'Histoire de l'association, et, au-delà, de l'Histoire de France, du compagnonnage, du syndicalisme. Nous sommes des travailleurs et des salariés de l'AOCDTF. Nous sommes également engagés dans la vie syndicale de la CGT. Les dirigeants de l'Association se présentent comme : des Compagnons. Systématiquement, et d'une manière ou d'une autre, ils font référence à l'Histoire du Compagnonnage, la plus "ancienne" (la plus "légendaire"), à la plus récente, et à toutes les phases intermédiaires. Et, dans ces phases, ils évoquent souvent le temps de la création de l'AOCDTF, en 1941. La figure de Jean Bernard continue d'être une référence pour une part non négligeable des Compagnons de l'AOCDTF. Il a même droit à des pages dans l'ouvrage publié par l'AOCDTF, "Devenir Compagnon". Dans une maison au moins, nous avons connaissance de la présence de son portrait, dans une pièce de l'accueil. L'usage de "l'identité compagnonnique", n'ouvre pas à tous les droits et à aucun devoir - à l'égard de celles et ceux qui ne sont pas Compagnons. "Etre" Compagnon ne permet pas de dire, d'écrire, de soutenir, n'importe quoi, n'importe qui, n'importe comment. Or, en faisant l'éloge, explicitement ou non, d'un Jean Bernard, sympathisant de l'Allemagne nazie dans les années 30, puis collaborateur pétainiste et à cet égard, décoré de l'ordre de la Francisque, des Compagnons commettent et une erreur et une faute. Le compagnonnage est incompatible avec le corporatisme sectaire, avec l'idéologie de la soumission à des chefs-patrons, avec le tout-travail sans conscience. Or c'est ce à quoi Jean Bernard avec d'autres a engagé une part du Compagnonnage français. Compagnons, ne vous posez pas de questions sur les événements, sur les problèmes collectifs, mais travaillez, travaillez, et obéissez. Et c'est ce même discours qui, aujourd'hui, exige des Compagnons de l'AOCDTF soumission, silence. Et pour un certain nombre de Compagnons, cette situation est un supplice, parce qu'ils ont, au contraire, une conscience, vivante, et qu'ils savent, voient, entendent, ce que la direction de l'AOCDTF dit et fait, notamment, contre les salariés. Ce n'est pas pour rien que, à l'occasion du Tour de France cycliste, l'AOCDTF s'est associée, une nouvelle fois, au MEDEF. Compagnons, répondez à cette question : cette organisation patronale, le MEDEF, porte t-elle des valeurs, des revendications, des engagements, compatibles avec le compagnonnage ou au contraire qui en sont la négation ? Il est donc essentiel de comprendre ce qui, de l'époque de Jean Bernard à aujourd'hui, a organisé et mis en mouvement une dérive fondamentale et gravissime du Compagnonnage vers son contraire. Et c'est pourquoi la connaissance des faits, actions, propos de Jean Bernard et de ses amis est indispensable. Les documents publiés ici (révélés par Jean-Michel Mathonière), doivent être connus, aux côtés des autres, déjà publiés sur ce blog et sur le blog de M. Mathonière, et de ceux qui le seront prochainement.
Nous sommes en 1938. Cela fait déjà 5 ans que les mafieux nazis sont parvenus au sommet des pouvoirs en Allemagne, avec le soutien, actif et décisif, d'une partie non négligeable du patronat allemand. Les premiers camps de concentration ont été construits et utilisés dans les mois qui ont suivi. En 1935, les "lois de Nuremberg" ont commencé la politique de séparation/ségrégation des Juifs allemands du reste de la population. L'expansion militaire allemande est déjà à l'oeuvre en Europe de l'Est, avec l'invasion/annexion de l'Autriche, de la Tchecoslovaquie. Le réarmement allemand est connu de tous ceux qui ont les yeux ouverts. Le livre-programme d'Hitler est publié depuis plus de 10 ans, et ses intentions sont claires. L'essentiel du budget de l'Etat allemand est consacré à la production militaire. La Nuit de Cristal va annoncer les crimes à venir. Face à cela, il y a : ceux qui s'opposent et luttent - et les plus courageux se trouvent dans l'Allemagne elle-même, dans le nid de serpents. La plupart seront assassinés. Il y a ceux qui savent et dénoncent, par des articles de presse, par des oeuvres (dans un an, Charlie Chaplin révélera son "Dictateur"). Et puis il y a les indifférents, qui ne diront rien, ne feront rien. Au moins, ils ne contribuent pas à l'expansion d'une politique criminelle. Et puis il y a tout le spectre de ceux qui soutiennent : un peu, beaucoup, ... En 1938, dans une telle situation, la place d'un pro-Compagnon français était-elle en Allemagne ? Si encore, il s'agissait d'espionner... Mais Jean Bernard est là-bas pour observer et témoigner, pour annoncer une "aurore nouvelle" en Europe. Son texte est publié dans une revue qui arbore un symbole nazi. Et de tout ce que nous savons de ce qu'il sait, nécessairement, rien ne lui pose un problème de conscience, décisif. Et que va t-il faire ? Il va profiter de la défaite française de 1940, l'occupation nazie de la France, la collaboration du régime pétainiste avec ses maîtres d'oeuvre, pour engager une "unification" du Compagnonnage français dans une organisation dont les règles correspondent aux valeurs et aux exigences du régime. Il faut le dire, l'écrire : c'est une action anti-Compagnonnique, et ce au nom du "Compagnonnage". Jean Bernard aura été un usurpateur et un "voleur" - puisqu'il a osé asservir, instrumentaliser, le Compagnonnage français pour lui faire être et lui faire faire le contraire de ce que son Histoire pluricentenaire a mis en oeuvre et réussi. Jean Bernard n'était pas un "Compagnon", mais un clerc qui a réussi à imposer à ces remarquables travailleurs, l'acceptation, le respect, la défense, d'un ordre de castes. Fort heureusement, des Compagnons n'ont pas accepté de le suivre dans ce chemin de la honte.